TIEN
victime de l'agent orange
Tien, je te regarde.
Accroupi, mon dos appuyé contre le mur, tu es en face de moi dans le silence de cette pièce. Allongé sur ta natte, ton regard suit le vol d’une mouche, seule distraction.
Te regarde-t-elle, elle aussi ?
Qui te regarde Tien ?
Ton existence tient à la mécanique du corps. De l’intérieur cela fonctionne, cœur, poumon, foie, tes organes vitaux tiennent le rythme. De l’extérieur, ton corps broyé par la dioxine ne répond pas. Tu rampes sans parole sur cette natte de deux mètres sur deux.
Ton espace, ta prison. Tien, je te regarde. Tes yeux se posent sur moi. Que racontent-ils ?
Comment parler de toi, Tien ? Comment raconter ? Comment raconter l’inconcevable ?
Je te photographie.
Je te regarde Tien et les mots, dioxine, poison orange, mort, handicap, désordre génétique, désherbant, Monsanto, souffrance, folie, tournent en boucle dans ma tête.
Assassin d’hier, assassin d’aujourd’hui. Tien, victime de 3ème génération. Tien, qui sont-ils pour te mettre en prison à perpétuité ? Toi et les mille autres, cent mille autres, victimes de l’agent orange, victimes d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
Toi et les mille autres, cent mille autres, victimes des désherbants nécessaires aux productions de maïs et soja transgénique, d’aujourd’hui et de demain. Folie.